CO2 atmosphérique : la montée des mers n’est pas près de s’arrêter

Même si nous parvenons à limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici 2100, les mers du globe continueront de monter durant des siècles ! Cette affirmation se base sur le lien unissant le CO2 et le niveau des océans depuis 40 millions d’années. Elle mérite d’être décryptée…

Les activités anthropiques libèrent chaque année des milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Or, il s’agit d’un puissant gaz à effet de serre qui participe activement au réchauffement climatique que subit actuellement notre planète. L’augmentation des températures n’est pas sans conséquence, puisqu’elle provoque la fonte des glaces stockées en divers lieux du globe, ce qui entraîne une montée du niveau des océans. Bref, il existe un lien entre la concentration atmosphérique en gaz carbonique et l’élévation du niveau des mers. Mais en a-t-il toujours été de même ? Et surtout, quel impact a eu la concentration atmosphérique en CO2 sur les océans durant l’histoire de la Terre, disons depuis 40 derniers millions d’années ?
Pour répondre à ces questions, Gavin Foster et Eelco Rohling du Centre océanographique national de Southampton (Royaume-Uni) ont récolté plus de 2.000 paires de données caractérisant la hauteur des océans à un temps géologique et sous une concentration atmosphérique de CO2 connue. Elles couvrent cinq périodes de l’histoire de la Terre ayant été marquée par des climats plus chauds, plus froids ou égaux au nôtre. Leurs résultats viennent d’être dévoilés dans la revue Pnas.
Une relation sigmoïdale a été trouvée entre les deux paramètres à l’échelle des temps géologiques. Elle permet de souligner l’important rôle de forçage climatique joué par le CO2 depuis des millions d’années (il explique à lui seul 68 % de la relation). Par conséquent, les changements de concentration en gaz carbonique atmosphérique ont toujours été suivis par des fluctuations du niveau des mers jusqu’à ce que ce dernier se stabilise à un nouvel état d’équilibre naturel. Avant de poursuivre, nous pouvons d’ores et déjà préciser que les océans du globe ne sont pas près de s’arrêter de monter, même si nous parvenons à limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici 2100.
L’élévation récente, entre 1880 et 2000, du niveau de la mer (en cm) selon les marégraphes était en moyenne de 2 mm/an.
L’élévation récente, entre 1880 et 2000, du niveau de la mer (en cm) selon les marégraphes était en moyenne de 2 mm/an. © Robert A. Rohde, Wikimedia Commons, cc by nc sa 2.5
Les océans vont encore monter durant des siècles
Par le passé, une élévation de la concentration en CO2 de 180 ppm à 400 ppm a toujours été suivie par une importante montée des mers. Cette relation reflèterait la grande sensibilité climatique des calottes glaciaires lors des ères glaciaires, ainsi que celle des glaces du Groenland et de l’ouest de l’Antarctique dans les périodes interglaciaires. Le niveau des océans serait ensuite resté plus ou moins stable pour des concentrations en gaz carbonique allant jusqu’à 650 ppm, avant de recommencer à augmenter fortement jusqu’à ce que toutes les glaces disparaissent (plus de 1.100 ppm). Cette tendance reflèterait le comportement des étendues gelées de l’Antarctique oriental. Durant l’Éocène, les mers culminaient ainsi entre 60 et 70 m au-dessus de leur niveau actuel.
Quel a été l’état des océans lorsque la Terre possédait un climat similaire au nôtre, avec une concentration atmosphérique en CO2 proche de 400 ppm (une valeur de 390,9 ppm a été mesurée en 2011) ? La réponse surprend : la surface des mers se situait 9 à 31 m au-dessus de leur niveau actuel ! Même si nous parvenons à limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici 2100 (concentration en CO2 comprise entre 400 et 450 ppm), les mers devraient poursuivre leur ascension durant encore plusieurs siècles avant d’atteindre l’équilibre. En effet, elles s’élèvent actuellement d’environ 1 m par siècle. La seule solution pour arrêter la montée des eaux consisterait à revenir à la concentration atmosphérique en CO2 de l’ère préindustrielle, soit 278 ppm. 


Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences