Événement rare, le crâne et la mandibule d’un rhinocéros à deux cornes, mort voilà 9,2 millions d’années, ont été découverts dans une roche volcanique en Turquie. Grâce à plusieurs indices trouvés sur les os et les dents, les scientifiques ont mené l’enquête et reconstitué les derniers moments de l’animal.
Dans la grande majorité des cas, les fossiles sont trouvés au sein de roches sédimentaires, c'est-à-dire apparues par accumulation de sédiments
d’origine détritique terrigène (des roches érodées) ou biogène
(sédiments liés à l’activité d’êtres vivants). Les roches volcaniques comportent quant à elles beaucoup moins de fossiles,
environ 2 % des découvertes faites à ce jour. L’une des principales
raisons est évidente : les organismes sont brûlés par des températures
supérieures à 1.000 °C avant d’être ensevelis.
Cependant, il arrive que la température des nuées ardentes
ne dépasse pas 650 °C, une limite qui permet la préservation des
organismes ensevelis sous la matière volcanique. Le cas de Pompéi et
Herculanum en est la preuve. L’éruption du Vésuve
en 79 après J.-C. n’a pas totalement détruit les corps des habitants
puisqu’il a été possible d’en mouler des centaines à partir de 1860.
Ainsi, la découverte d’une tête de rhinocéros
à deux cornes dans une roche volcanique, l’ignimbrite de Cappadocia en
Turquie, peut être considérée comme un événement rare. Le fossile,
composé d’un crâne et de sa mandibule, appartenait à un Ceratotherium neumayri mort depuis 9,2 millions d’années. Cette espèce était commune dans l’est de la région méditerranéenne à l’époque. En compagnie de plusieurs collègues, Pierre-Olivier Antoine de l’université de Montpellier est parvenu à recréer l’histoire précise de la mort de cet animal imposant, dans la revue Plos One.
Ce crâne de Ceratotherium neumayri,
un rhinocéros à deux cornes aujourd'hui disparu, a été découvert dans
une roche volcanique en Anatolie (Turquie). Les lignes en pointillés
indiquent la position de certaines parties manquantes. © Pierre-Olivier Antoine
Un rhinocéros tué par une éruption volcanique
L’aspect inhabituel des tissus osseux, la rugosité des os
et la dentine particulièrement fragile sont autant d’indices qui ont
poussé les chercheurs à retracer les circonstances de la mort de
l’animal. Ces structures ont donc fait l’objet d’observations
macroscopiques et microscopiques plus approfondies. Plusieurs détails
ont été notés, comme la disparition des canalicules
(petits canaux anatomiques) et des lamelles dans les os. Les dents
aussi ont fourni de précieux indices, avec notamment la présence de
microfractures dans l’émail et la dentine.
Ces caractéristiques ont ensuite été comparées à des
résultats obtenus par diverses études médicolégales et archéologiques
sur les effets de la chaleur sur un corps. Selon toute vraisemblance, le
crâne aurait été exposé à une température comprise entre 400 et 450 °C.
L’histoire peut maintenant être reconstituée. Voici 9,2 millions d’années, une coulée pyroclastique en provenance de la caldera de Çardak aurait instantanément tué le rhinocéros
trouvé à proximité de la ville de Karacaşar. Son corps aurait ensuite
été déshydraté puis démembré, la tête étant alors transportée vers le
nord à plus de 30 km du site de l’éruption.
Durant ce voyage, elle a dû être soumise à une température de 400 °C
environ. Enfin, le crâne et la mandibule ont été recouverts par des
débris de lave acide
qui se sont soudés en refroidissant, formant ainsi l’ignimbrite. La
bouche a été retrouvée en position ouverte, une conséquence probable du
processus de déshydratation.
Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences