Près d’un million d’espèces eucaryotes
peupleraient les océans du globe. Cependant, seules 226.000 d’entre
elles auraient déjà été décrites. Ces animaux, plantes, protistes ou algues font désormais tous partie d’un inventaire complet disponible en libre accès sur Internet. Les taxonomistes ne risquent pas de manquer de travail…
Connaître le nombre d’espèces peuplant un milieu
défini revêt une importance capitale pour juger l’efficacité d’un
programme de conservation ou estimer des taux d’extinction.
Néanmoins, les tâches de recensement peuvent vite se révéler ardues à
mettre en place, surtout lorsque l’on souhaite cataloguer toutes les
formes de vie eucaryotes, dont l’ADN est contenu dans un noyau (ce qui exclut les bactéries et les archées), vivant au sein des océans.
Ce travail titanesque vient pourtant d’être réalisé par 270
taxonomistes appartenant à 146 institutions hébergées par 32 pays.
Selon la synthèse faite par Ward Appeltans du Flanders Marine Institute (Belgique) dans la revue Current Biology,
jusqu’à 972.000 espèces pourraient peupler les océans. Ce chiffre varie
néanmoins en fonction des méthodes de calcul employées. Il serait en
effet compris entre 320.000 et 760.000 d’après des modèles statistiques
exploitant les taux de découverte
de ces dernières décennies, et entre 704.000 et 972.000 selon des
projections réalisées par des experts. Ces derniers ont utilisé le
nombre d’espèces trouvées sur une surface donnée, mais réduite, pour
extrapoler les chiffres à l’échelle mondiale.
Près
de 40.000 espèces marines pourraient encore être supprimées de
l’inventaire de la diversité des océans. Elles seraient en effet
présentes sous deux noms différents dans les listes. Les synonymes
posent vraiment problème. © LaPrimaDonna, Flickr, cc by 2.0
Chaque cétacé posséderait 14 noms en moyenne
Par rapport à la zone de recouvrement des deux méthodes (entre 704.000 et 760.000), seul un tiers des espèces
aurait déjà été identifié avec certitude et décrit, soit environ
226.000 unités. Car les chercheurs ont été confrontés à un problème
majeur durant la compilation de leurs données : les synonymes. Certains
organismes possèdent en effet plusieurs noms scientifiques. Ainsi, 1.271
noms de cétacés ont été répertoriés pour seulement 87 espèces ! Au total, environ 170.000 références ont été supprimées de l’inventaire.
À ce jour, ont déjà été décrits près de 200.000 animaux,
7.600 plantes, 19.500 chromistes (des unicellulaires proches des
végétaux), 550 protistes (unicellulaires proches des animaux) et 1.050
champignons. De plus, 65.000 organismes attendraient d’être étudiés au
sein de collections dans le monde. Les bactéries, virus et archées n’ont
pas été recensés. Parmi les espèces non décrites, seule la moitié nous
serait encore totalement inconnue. L’inventaire a été mis en ligne en
libre accès sur le site du World Register of Marine Species (Worms).
Les océans abriteraient environ dix fois moins de formes de vie que les milieux terrestres. Leurs écosystèmes
seraient en effet moins diversifiés. Par ailleurs, ils font l’objet
d’un plus grand nombre de facteurs limitants (par exemple, l’absence de lumière au-delà d’une certaine profondeur). Les espèces qui les peuplent seraient donc plus « homogénéisées », selon Enrique Macpherson du Center for Advanced Studies of Blanes (CEAB-CSIC, Espagne).
Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences