On présente souvent les vrais jumeaux comme des clones génétiques.
Mais ce n'est pas tout à fait le cas. Ces frères et ces sœurs différent
légèrement. Pour la première fois, des chercheurs ont estimé
l'importance de ces divergences...
À vue d’œil, difficile de distinguer l’un de l’autre. Les vrais jumeaux se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Et pour cause, ils sont issus de la même cellule-œuf et disposent donc d’un patrimoine génétique identique. Enfin… presque.
Depuis la séparation des deux lignées cellulaires, chacun est soumis à des mutations, des changements dans la longue molécule d’ADN. Certaines mutations peuvent être dues à des polluants, d’autres résultent d'erreurs de copies. Sur les 3,2 milliards de bases azotées
qu’il faut retranscrire, une erreur est si vite arrivée… Ce processus
devant intervenir des milliards de fois, la probabilité d'en retrouver
beaucoup est élevée.
Très peu de travaux s’étaient intéressés aux différences qui pouvaient intervenir dans la programmation génétique de vrais jumeaux. Des chercheurs de l’université McGill
(Montréal, Québec) se sont pour la première fois penchés sur le nombre
de ces différences entre ces frères ou ces sœurs. Ils ont annoncé leurs
résultats lors du congrès de l’American Society of Human Genetics.
Les mutations sur l'ADN apparaissent tout au long de la vie. Elles peuvent se produire sur les toutes premières cellules formées après la fécondation
et ainsi se généraliser à une grande partie de l'organisme... Ou bien
toucher une cellule qui ne donnera que quelques descendants et se
limiter à une minuscule région du corps. © zephyris, Wikipédia, cc by sa
3.0
Des jumeaux différents… mais quasiment identiques
Dans cette étude, 92 paires de vrais jumeaux
ont été recrutées. Leurs cellules sanguines ont été examinées pour
déterminer, sur des centaines de milliers de sites, la présence ou non
de divergences entre individus de la même fratrie. Seules celles
apparues tôt dans le développement ont pu être détectées par les
scientifiques, car elles se retrouvent dans un nombre important de
cellules.
Ensuite, la fréquence d’apparition de ces
modifications a pu être estimée. Au final, elles se révèlent être plutôt
rares, car elles n’ont été décelées que chez 2 des 92 paires de jumeaux
testées. Mais statistiquement, elles apparaissent une fois sur 10
millions ou 10 milliards de paires de bases. Si bien que les auteurs ont
estimé qu’en moyenne, ces frères ou sœurs présentaient 359 différences
génétiques. Cela reste très peu.
Que peuvent nous dire ces mutations ?
Cette recherche se heurte à certaines limites. D’une part, les taux de division des cellules varient d’un tissu à l’autre. Les neurones,
par exemple, ne se multiplient pas beaucoup, à l’inverse d’autres types
cellulaires qui ne cessent de se dupliquer. Les cellules du sang sont
un modèle, il faudrait établir des données pour chaque organe du corps.
Ensuite, l’intention des auteurs est aussi de comprendre pourquoi certains individus développent un cancer quand leur jumeau en est épargné. Derrière une tumeur
se cachent toujours au moins deux mutations. Ainsi, dans le cas de
figure recherché, on comprend bien que le défaut génétique n'est pas
apparu au stade de la cellule-œuf mais au cours de la vie de la
personne. Les mutations n’expliquent pas à elles seules le développement
des cancers. L’épigénétique (la façon de lire l’ADN et de réguler les gènes) ou l'environnement cellulaire y contribuent également. Ce travail certes pionnier reste malgré tout un peu incomplet.
Par Janlou Chaput, Futura-Sciences